Cher F.,
Je veux croire que tu ne liras pas ce énième mail alors c’est pour cela que je l’écris. Pour me libérer. Gros passage à vide, comme il m’en arrive de temps en temps ; j’ai envie d’être avec toi, c’est terrible. Encore plus dans ces moments-là. Je me souviens qu’à une époque, je t’avais écrit un message similaire qui disait « je me sens vide, vidée, vide de sens. » ou quelque chose dans ce style, et tu m’avais répondu « viens, on va aller se vider la tête » ou « se changer les idées » je ne sais plus, bref, tu m’avais proposé qu’on aille boire un coup. J’aimerais bien aller boire un verre demain après le boulot avec toi. Ces échanges, cette connivence me manquent. Tu me manques.
Je ne sais pas pourquoi j’ai éprouvé cette solitude aujourd’hui, j’avais le sentiment qu’on ne se connaissait pas. Tout juste deux collègues qui travaillent ensemble. Alors que le week-end qui précédait tout juste on s’était encore dit je t’aime. Je t’ai effleuré à plusieurs reprises, dans la voiture, dans l’ascenseur, sans ressentir le moindre frisson, la moindre envie de me rendre cet effleurement. C’était étrange comme sensation. Et puis cet après-midi, tu as eu ce mouvement de recul, comme si ma caresse t’avait dérangé. Je m’en excuse. Je ne voulais pas t’importuner. Et enfin il y a eu cet au revoir distant, très neutre, sans bisou sur la joue, ça m’a chamboulée. Pourtant, ce n’était qu’un au revoir de fin de journée, il n’y a pas de quoi en faire une montagne, je te l’accorde. Mais ça m’a perturbée. Nous pouvons passer d’un état de transe symbiotique à un état d’une telle atonicité que je n’en ressens que des effets pervers qui me conduisent à réagir trop fortement, peut-être démesurément. Je m’en excuse. Je sais que tu es fatigué, très fatigué même. Et j’ai honte de te solliciter autant. Mais ce soir j’ai le cœur en peine et je voudrais voir mon amant. Je voudrais le prendre dans mes bras, lui dire combien je l’aime et que sa carcasse représente beaucoup pour moi. Même si tu ne penses être qu’une enveloppe, j’aime la remplir avec toutes ces émotions qui me traversent. C’est ainsi que l’on se complète, enfin, je pensais pouvoir le croire. Je pensais qu’il pouvait en être ainsi. Mais je devrais arrêter de te tourmenter avec mes propres tourments. Tu en as déjà bien assez. Encore une fois, je suis désolée. Je suis vraiment désolée.
Je t’embrasse,
f.