Cher F.,
Ces soirs-là, j’erre. Assise, je me relève, je vais dans la cuisine, me frotte les yeux, ne sais plus trop ce que je suis venue y faire. Je repars souvent sans autre commentaire; parfois je bois du lait, ou me sers une bière. Je reviens m’assoir, toujours en me frottant les yeux. En face de l’écran, je sais cependant ce que je suis revenue chercher : ma marionnette, que j’avais longtemps délaissée. Écrire, jouir, jouir, écrire…
Pourtant, il y a ces yeux. Il y a cette jambe. Il y a ces seins. Il y a la poitrine. Il y a la symphyse… Tout cela brûle, tiraille, mine. Me masserais-tu, la prochaine fois que l’on se verra ? Je n’oserai pas demander quoi que ce soit, alors je te l’écris. Mais tu comprends, n’est-ce pas. La gageure à te communiquer mes besoins, mes envies, ah !
Et puis tu sais, il faut nourrir EROS. EROS c’est la vie. La sensation de vivre, de t’aimer passe par lui, c’est inévitable. C’est notre marionnette, il faut tirer les ficelles du désir. Il faut la provoquer jouer avec elle pour jouir, sinon, EROS reste derrière le rideau baissé, assis sur un banc ou se morfond dans une caisse, enfermé. Quand ce n’est pas cela, il prend la poussière, se dégrade, se détériore, tout seul.
Ai-je trop d’attentes, F. ? Dis-moi ton langage. Quel est-il ? Quel amour parles-tu ? Les mots, les moments, les gestes, les cadeaux ? Rien de tout cela ? Les gestes comptent beaucoup pour moi, gestes simples, tendres, marques d’attention (tu en as !), gestes intimes, tactiles. En ce moment, j’ai terriblement besoin de ceux-là.
Serre-moi contre toi. Caresse-moi, ça et là. Fais aller cette bouche dans des recoins que je ne soupçonne pas. Embrasse-moi encore. Et les douleurs s’estomperont, une nuit, une heure. En tout cas je les oublierai, en ne pensant plus qu’à tes bras.
f.