Voyâge

– j’ai le vertige
– je sais, depuis toujours.
– alors pourquoi tu veux m’emmener là-haut ?
– parce que notre histoire vaut le détour.
– la terre ne te suffit pas ?
– non. Toi et moi, c’est la terre ET le ciel. C’est comme ça.
– tu me tiendras dans tes bras ?
– bien sûr ; si je le fais en bas, y a pas de raison qu’on se prive là-haut.
– mais si je ne te vois plus ? si l’on est pris dans un épais brouillard ? si j’ai peur…
– tu seras dans mes bras; tu pourras fermer les yeux et t’imaginer nos visages; tu verras comme on est bien. On nous contemplera d’en-bas, et nous contemplerons le monde en retour.

Montgolfière, Puy-de-Dôme

Aujourd’hui toi et moi formons le toit du monde Des yeux nous suivons l’éphéméride en paysages Comme un montage de nos vies se déroulent les images à l’infini Battent les cœurs volages surplombant toutes ces lumières toutes ces misères se confondant De bien curieuses offrandes pour ravir nos regards voyeurs En contre-bas les époques se rassemblent sous cet angle munificent Elles s’étirent, s’allongent et défilent alors que nos corps ambulants ne comptent plus les heures Dans cette nacelle au cordage rigide en face à face je te regarde Tu n’as pas pris une ride durant ce voyage Du haut des monts s’étiolent nos âges le long de cette route ascensionnelle où s’élèvent nos âmes Sens-tu sur ta peau affolée l’air caressant qui prend le large Et se dissoudre à l’horizon nos défauts – les mauvais pas les bons – Qui s’évaporent comme les nuages À mesure qu’ils ressurgiront ils se disperseront Le voyageur est prévenu le voyage connu C’est rare. Paradoxal.

– comme nous !
– alors, il fallait bien prendre de la hauteur, non ?
– c’est sûr ! C’est mieux que de prendre de la bouteille ! C’est beau. Et ça fait même pas peur.

f.

crédits photos : Cœur de Voh en 1990, Nouvelle-Calédonie, France, Terre vue du Ciel, Yann Arthus-Bertrand ;
Montgolfière au dessus de la chaine des Puys – Auvergne – France – Photo P. Philbée prise du sommet du Puy-de-Dôme

2 réflexions sur « Voyâge »

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