Catégorie : Nocturnes

  • Fin orageuse enragée.

    22:22
    je ne t’écoute pas
    tes mots un couteau
    sous la gorge
    un mépris nouveau
    s’égoutte.
    coule.

    22:23
    ronger son frein
    empoigne non prise
    nuit = prison
    douleur ferme dans l’instant
    ménage en méprise ?

    22:33
    mauvaise passe
    là où le mépris
    n’est pas de poésie
    simples figurants
    pantomime
    entre cuisine et salon

    23:01
    remuer les méninges
    dans cette scène de bribes
    est-ce ce que je te méprise ?
    ton couteau est encore là
    sous/dans/en travers de
    ma gorge tes mots
    sans ta main,
    avec
    trancher la question.

    fin du
    remue-ménage
    anéantissement des voix
    extinction des feux
    demain verra.

    f.

  • Veille sauvage.

    22:22
    ne rien en dire
    obsédés devenus
    par le silence
    donné en pâture à la nuit.

    22:23
    rature cachotière
    effacer ?
    ce n’est pas qu’une question
    de traces qu’on ne veut pas laisser
    c’est faire de la place
    aux prochaines.

    22:33
    Suis-moi
    comme une bête
    retient cœur et souffle
    pour avancer dans ma nuit
    à pas d’heures.

    f.

  • Sommeil.

    22:22
    faible pluie
    araignée au plafond
    ne chasseras-tu jamais un seul moustique !
    tu fais ton nid ton doux cocon mais ne te fatigue jamais pour nous.

    22:23
    c’est promis
    si cela vient
    je me relèverai pour dire le monde
    comme une éclaboussure
    sous mes paupières écloses

    je laisserai couler la lave à 37,2°
    ce jaillissement de moi en mots
    sans justification

    ne pas chercher la source obstinément
    mais suivre le ruisseau
    qui draine nos rêves chaloupés

    le bras s’enroule autour du coeur
    juste là où tu m’attends

    22:33
    j’entends que tu appelles
    toi ? le rêve ? le verbe ?
    l’instant

    un cri reste un cri
    auquel je réponds.

    f.

  • Sens-toi seule et terre-toi dans la solitude enchantée que tu n’as jamais recherchée…
    f.

  • Cher F.,

    Je ne pouvais pas dormir. La chambre était belle, noire. Belle et noire et sombre comme la nuit. La chambre était devenue laide, noire. Laide et noire et sombre comme mes pensées qui n’avaient de cesse de tourner, de communiquer entre elles sans que je les en empêche. Un délire tonitruant. Sourd. Silencieux. Nuisible. Comme la nuit.
    Parmi ces pensées, je repensai à mes lettres muettes, à mes Nocturnes. Qu’est-ce qu’elles disaient ? Je n’en avais plus aucun souvenir. Non pas que ces souvenirs furent lointains, tout cela n’était pas si vieux. Quelques années tout au plus. Probablement des écrits douloureux. Noirs. Silencieux. Sombres comme la nuit. J’en vins à me lever. Ce que je ne fais jamais. Peut-être que cette fois-ci, mon corps a parlé le premier, comme je ne réagissais.

    Tes spasmes faisaient trembler le lit. Agitation qui te prend quand tu es très fatigué. Tellement fatigué que tu ne m’as pas dit bonne nuit. Tu ne m’as pas embrassée. Je n’ai rien dit non plus. Je n’ai plus bougé. Seul un soupir profond s’extirpa de ma gorge – nul besoin de le retenir. Ainsi à peine étais-je couchée que tu sombras sans demander ton reste. J’y suis habituée. Par habitude, le suis-je vraiment ? En me posant la question, et en posant ce « j’y suis habituée », je réalise que je ne le suis pas. Un médecin m’avait dit un jour : « Non, madame, on ne s’habitue jamais à la douleur. La tolérer ou la supporter ne signifie pas s’habituer. Douleur. Pourquoi ce mot ? Pourquoi ce lien ? Pourquoi repenser à cette parole-là, précisément. Vacarme. Brouhaha. Pensées vagabondes. Pensées moribondes. Pensées somnambules. Le lit tremble à chaque fois que tu gesticules par ces gestes inconscients. Et une pensée ne me quitte plus : j’aimerais qu’il tremble parce que je jouis. Mais je ne jouis plus.

    Je m’efforce de trouver une issue. Ce mot jouir rode sans un mot, sans un cri, sans un sursaut, dans cette chambre, dans la nuit. Je ne jouis plus. Tu me condamnerais de le dire ainsi. Tu te mutilerais de le lire, de me l’entendre dire. Mais tes spasmes de nuit font trembler le lit. Et moi je lutte contre mon corps qui voudrait te saisir. Cela fait deux heures que j’ai fait le tri dans ma cervelle. Il n’y a plus rien à ranger. Tout est à sa place, dans des cases, peut-être même dans une seule, car ce ne sont que des courants électriques erratiques remis en rang, en ordre de bataille, celle de demain. Il est déjà minuit. Il ne reste que cette fichue envie de venir me blottir contre ton corps, chaud, tremblant toutes les minutes, ou toutes les 55 secondes, ce corps qui me rejette (malgré lui – c’est du moins ce que je souhaite). Je voudrais me tenir dans ton dos, te parler de mes angoisses de la nuit, de cette violence que j’ai subie, qui se rappelle à moi quand je me couche, de cette torpeur de ne pas m’endormir, de mon corps qui voudrait trembler lui aussi – de plaisir. Et m’évanouir. Je voudrais venir caresser ton épaule qui s’est amourachée d’une partie de mon oreiller sans qu’elle ne veuille s’acoquiner de ma personne. C’est cruel, c’est odieux. Quoi ? ce que j’en pense ou ce qu’il en est dans ce lit qui nous va si mal depuis quelque temps ? Je sais que tu m’aimes. L’amour n’a rien à voir là dedans. Je sais que l’on s’aime. Pour cela, contrairement à la douleur, on s’habitue. Trop. Trop vite. Trop à mon goût. On s’aime, et l’on ne désire plus. Mais moi, j’ai du désir à l’envi.

    Pourquoi dans mon cas est-ce si différent ? Parce que tu es malade ? Parce que tu prends trop de médicaments ? Probablement. J’ai envie de me le dire. Ce n’est qu’une justification. Ce n’est pas un remède à mes nuits. Pas un remède à mes envies. Fatal errement ? Animal aussi diurne que nocturne, mon tempérament souffre de la disette que tu lui imposes (malgré toi – je le redis). Ton bras fait presque tout le tour de ma tête, sans frôler pourtant mes cheveux. Je sens ton membre, si long, si grand, sans pouvoir lover ma petite tête dans ta main la surplombant. Tout geste de ma part sera perçu par ton corps comme une agression. Cela me fait peur. Cela me fait pleurer. C’est un chagrin qui isole et nous condamne, chacun de son côté. Et chacun n’y peut rien. Tes sensations se trouvant modifiées, je n’ai rien d’autre à faire qu’accepter ce sort qui m’est réservé. De nuit comme de jour, tout acte non mesuré, non suffisamment contrôlé te fait sortir ton bouclier. Et je suis saisie à chaque fois de ta réticence vive à vouloir te faire approcher. « Fais attention à mon corps, s’il te plaît », alors que j’avais à peine terminé de poser ma main sur ta poitrine, elle s’en trouvait éjectée. Comment préserver mon désir pour un corps qui ne veut plus du mien (malgré que tu veuilles de moi – je m’en convaincs) ? Comment exprimer mon désir quand il est contraint ?

    Cette camisole de draps est devenue insupportable. Mes hanches n’en peuvent plus, et si je continue à danser tu vas te retourner, te redresser, grommeler, et te réveiller, et ce sera foutu. Ta nuit en l’air. Alors dans toute la discrétion qui est la mienne, voilà que je me lève. Finalement, l’esprit a peut-être pris le pas sur le corps tout entier. Jouer la carte du discernement – contentement versus mécontentement – m’aura permis de m’extraire de ce combat au corps à corps à distance du tien, avec moi-même pour adversaire.

    T’écrire m’a fait du bien, même si l’écriture ne me soulagera pas de la frustration qui va revenir sitôt que je serai retournée sur le champ de bataille, dans ma tranchée, bien rangée de mon côté, comme mes pensées. Mais j’ai expurgé ce qui devait l’être, couché sur ce papier ce qui me taraudait, et m’enfermait dans une douleur qui devenait physique. L’on dira que j’ai tiré du positif à partir du négatif.

    L’ai-je seulement fait ?

    Bonne nuit, mon F.,

    f.

  • Cher F.,

    Ces soirs-là, j’erre. Assise, je me relève, je vais dans la cuisine, me frotte les yeux, ne sais plus trop ce que je suis venue y faire. Je repars souvent sans autre commentaire; parfois je bois du lait, ou me sers une bière. Je reviens m’assoir, toujours en me frottant les yeux. En face de l’écran, je sais cependant ce que je suis revenue chercher : ma marionnette, que j’avais longtemps délaissée. Écrire, jouir, jouir, écrire…

    Pourtant, il y a ces yeux. Il y a cette jambe. Il y a ces seins. Il y a la poitrine. Il y a la symphyse… Tout cela brûle, tiraille, mine. Me masserais-tu, la prochaine fois que l’on se verra ? Je n’oserai pas demander quoi que ce soit, alors je te l’écris. Mais tu comprends, n’est-ce pas. La gageure à te communiquer mes besoins, mes envies, ah !

    Et puis tu sais, il faut nourrir EROS. EROS c’est la vie. La sensation de vivre, de t’aimer passe par lui, c’est inévitable. C’est notre marionnette, il faut tirer les ficelles du désir. Il faut la provoquer jouer avec elle pour jouir, sinon, EROS reste derrière le rideau baissé, assis sur un banc ou se morfond dans une caisse, enfermé. Quand ce n’est pas cela, il prend la poussière, se dégrade, se détériore, tout seul.

    Ai-je trop d’attentes, F. ? Dis-moi ton langage. Quel est-il ? Quel amour parles-tu ? Les mots, les moments, les gestes, les cadeaux ? Rien de tout cela ? Les gestes comptent beaucoup pour moi, gestes simples, tendres, marques d’attention (tu en as !), gestes intimes, tactiles. En ce moment, j’ai terriblement besoin de ceux-là.

    Serre-moi contre toi. Caresse-moi, ça et là. Fais aller cette bouche dans des recoins que je ne soupçonne pas. Embrasse-moi encore. Et les douleurs s’estomperont, une nuit, une heure. En tout cas je les oublierai, en ne pensant plus qu’à tes bras.

    f.

  • Attends. Attends… Attends-moi. At…-tu viens de t’abandonner au sommeil, guerrier. Maintenant, tu transpires… Tu commences à évacuer les tensions de la journée. Ton corps est une machine. Tes pensées en pagaille soupirent, et se frayent un chemin dans l’ombre, et tu te joues des secousses nocturnes. La nuit est ton refuge, un abri où tu navigues à vue sur des flots… incertains, disons.

    Là,… Là, un passage s’ouvre à toi : est-ce l’inconnu ? La nuit te connaît, mais toi qui la côtoies jusqu’à la fin tu ne la connais vraiment jamais. Tes pensées, où s’en vont-elles ? Elles te mènent dans ce gouffre où tu te laisseras prendre au piège de la sagesse de chiffon qui luttera tout le jour aux côtés des folies – tes démons – qui gouvernent tes maux.
    Marin sans boussole tu t’éloignes de moi, tranquillement. Tu t’es retourné, docilement.

    J’ai cru à mon tour pouvoir fermer les yeux. Mais les yeux se rouvraient. J’ai cru pouvoir me blottir contre ton corps nerveux, rêveur, en train de cauchemarder, sagement, gentiment, sans peur. Mais c’était croire que je pouvais m’endormir par procuration. Tu… Je bâille. Je m’aère le cerveau. Étrange nature. Je veux dormir. Je me réveille. Tu commences à brûler. Sans bouger. Ta nuit est, en à peine un quart d’heure, déjà bien entamée.

    Et pendant que sous tes paupières fauves il faisait nuit noire, ma nuit blanche débutait : je remettais – pourquoi ?, pourquoi ? – le repos à plus tard. Pourtant je sentais par moment – moment d’égarement – que mes paupières aussi vacillaient. Elles voulaient elles aussi se reposer. Mais les mots alors s’écriaient : « lâchez les fauves ! « , les fauves, c’étaient eux ! Bougres. Complot de la nuit.

    J’ai senti la marée monter, monter,… Elle était là, à mes pieds, puis naturellement elle repartait, me laissant, moi et mes mots. Ils flottaient, fomentaient, impatiemment. Je les voyais qui me relevaient. Alors,… alors, tandis qu’ils se heurtaient à la contradiction, qu’ils se cognaient lentement les uns aux autres, je changeai de position. Les berner ? Illusion… Illusoire !

    J’ai replié les genoux, subtilement, défait les draps sans faire de vague pour que tu ne ressentes pas le froid des remous, ces draps qui me collaient sous la chaleur qui de ce corps en feu émanait. Même le chat ne pouvait rester près de cet humanoïde volcan. Pourtant, pourtant… je lui ai murmuré combien de caresse il me fallait pour trouver l’apaisement. Il a daigné quand même passer la porte, s’est dirigé vers moi, et dans un élan maîtrisé il est venu sur le matelas, mais je n’ai pu le caresser qu’une fois. Moi – 0 – Chat – 01. Tu penses bien, il savait que ce que son maître pouvait apporter, il ne pouvait aucunement le combler. En effet, c’était le maître seul, marin ensommeillé, que je désirais. Tendrement.

    Le chat me niant, les mots me guidant, ta peau me rejetant, en silence et gracieusement, je me suis levée, féline, le pas souple et léger. Le parquet craquait. La maison dormait. Je veillais, à présent. J’allais pouvoir t’écrire comme il me plaisait.

    f.

  • Cher F,

    En tandem j’entends battre nos cœurs.

    Je n’ai jamais poursuivi cette lettre. Quand était-ce ? J’ai dormi paisiblement cette nuit. Sentir ton ventre et sa chaleur m’ont fait le plus grand bien et m’ont réconfortée.
    Et si ce n’est pas toi, c’est cet oreiller. L’oreiller-ventre. T’en ai-je déjà parlé ?

    Ma fille commence à savoir lire. Elle apprend et déchiffre tout, décortique toutes les syllabes qu’elle trouve et qui passent sous ses yeux grand ouverts. Je vais devoir cacher mes carnets, leur trouver une meilleure cachette que dissimulés sous quatre livres sur ma table de nuit ou dans une veille valise sous le buffet.

    Ce soir, tu n’es pas resté. J’ai lancé le disque d’Amélie, le premier de la colonne, toujours facile à trouver et à attraper. Il y a la Valse, et la Comptine d’une nuit d’été, et le « si tu n’étais pas làààààà, comment pourrais-je viiiiivre ? ». J’avais lu que Y. Tiersen avait été très mécontent des enregistrements effectués pour les besoins du film. Moi, je suis satisfaite et apaisée quand j’écoute ces berceuses et ces comptines. Pour t’écrire, il y a toujours les deux compères Satie et Chopin bien sûr, mais ils sont trop nerveux.

    Ma fragilité est à son paroxysme, comme tu le sais. Blottie contre toi, quand tu m’as rattrapée et retenue ce midi, je n’ai pas pu retenir ce flot salé, visqueux et boueux, gris, de colère et de dégoût. C’est cela. Ce liquide pourrait sortir des égouts, il en aurait la même odeur, la même couleur. Sauf que ce liquide sortait bien de mes yeux.

    Contre toi, je retrouvai le calme étonnamment rapidement. Cela me surprit moi-même. Il n’y a pas que la nuit. Tu peux en tout lieu à toute heure canaliser ma petite fureur. D’une certaine façon peu commode d’ailleurs. Je te désirais si fort même dans ma torpeur. J’étais pétrie de toi tout en étant geyser : j’explosais en dedans de moi. Torrent de lave d’amour – j’utilise ce mot qui ne veut rien dire, sans doute parce que j’ignore comment le dire autrement – j’exultais d’être si près de toi et de jouir dans mon inertie. Intactes, fébriles, mes sensations étaient toujours aussi vaillantes. Elles ne faiblissent pas, même dans mes pires douleurs. Quel bonheur de te sentir presque fusionné avec mon visage, mes bras, ma poitrine, mes jambes, jusqu’aux talons. Ton être dégage une chaleur constante. En fusion, elle ne faiblit pas, elle non plus. Puis tu es venu sur moi, avec tendresse, et j’ai vibré à chaque mouvement que tu as donné à ton corps, à chaque onde qui se diffusait sur le mien. Dans mon cou, entre mes doigts, sur ma bouche et le long de mes joues, le long du bassin – toutes épines alertes – et ses sillons d’agapé. La symphyse éros tremblait légèrement.

    De petits frissons chauds et uniformes me donnèrent l’impression que je récupérais de la tonicité dans ce corps devenu atone. Il me sembla, à cet instant précis quand tu te trouvais au-dessus et à la fois sur moi, que je reprenais possession de quelque chose qui m’avait longtemps appartenu, mais dont je m’étais défaite soudain par une forme étrange et étrangère de dépossession.

    Tu me possédais à nouveau. Je me sentais envahie d’une force maîtresse, et d’un bien-être diffus qui ne tomba pas dans l’excès. Possédée par ton ventre, j’étais. Je jouissais d’une jouissance douce qui ne me coûtait pas, qui se donnait à moi, et que j’accueillais sans effort. C’était comme boire quand j’avais soif, manger quand j’avais faim. Il n’y avait pas de retenue, et je n’avais plus ni tristesse ni aigreur à contenir. Je n’avais qu’à jouir. Jouir du morceau de vie qui m’animait à mesure que tu m’effleurais et me regardais.

    Sans que la valse ne dure, je ne résistai plus. Je ne devais plus résister; je pouvais me laisser happée par un sommeil bienfaiteur, désintéressé, victorieux.

    f.

  • Photo de Francesco Ungaro (bibliothèque d’images en accès libre)

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    à soi
    on est dimanche.
    Écrire.
    seulement
    j’ai oublié mon nom
    ce soir
    en regardant les étoiles
    brûlant mes rétines

    Revenir
    à la page
    blanche
    ondulation
    infime et infinie
    de lignes
    Jouir.
    Du ciel qui donne tout
    franche mise à nu
    je toise là-bas
    celle qui tremblante
    brille plus que tout
    Mars ou Vénus ?
    celle qui guide
    Son nom ?
    Sans certitude non plus
    Éblouir.
    Sa présence seule
    suffit pour qu’elle existe
    Après tout.

    Revenir
    de loin

    très loin.

    f.

  • Cher F.,

    Il y a ce vent qui va m’endormir. Il monte, oui, je le sens, il susurre des mots, des sons. Il se montre, se fait sentir à ma fenêtre. Ce soir, il sera comme ta caresse. Je parie même qu’il sera plus généreux. Dommage que tu t’endormes si bien, si vite. Et moi qui veille, ton bras autour de moi, ton corps pour enveloppe, pour matelas, et moi qui veille donc, et qui ne trouve jamais le sommeil dans l’instantané du coucher. Pourquoi ?

    Je t’ai appelé aujourd’hui. Tu n’étais pas bien réveillé. Je dirais même que tu n’étais pas bien vivant, la voix à peine en flottaison. Une forme de passivité teintée d’une lassitude oisive et vaseuse résonnait dans le combiné.

    J’ai envie que tu m’allumes pour prendre feu. Fais de Rimbeau – sobriquet que tu m’as offert la dernière fois, dont je fais le dérivé ici pour éviter tout fâcheux plagiat – fais de moi ta flamboyante, ta candide charmeuse, charmante, ton allumeuse. Rends-moi folle de ta chair, travaille-la toujours, qu’elle reste onctueuse, moelleuse sous mes doigts bouillonnant, écarlates. Transforme mon corps en braises. Je renaîtrai quand même.

    Loin, Rimbeau rêve de toi. Éveillée, en plein air, à pleins poumons, sans œillères. Je suis un cheval fou devant son étalon. Je suis l’oxygène à l’état pur. Sois mon briquet. « Émanations, explosions.« 

    Deviens l’inoubliable à mes yeux et à mes membres, deviens l’encre indélébile sur mon armure et sur ma page, deviens le privilège que je n’aurai jamais eu d’être ton chat, ta chevalière, ton papillon, ton ogresse, ta déesse, ton ange, ton âme secrète, ta rebelle, ton Rimbaud immortel.

    Dans cette chambrée, je suis ton génie de minuit ! Les draps sont frais comme l’air, le sommeil me monte à la tête, mais il n’arrive jamais au bon moment. Peux-tu le croire ? C’est à peine si je t’ai écrit. Est-ce que tu m’écriras demain ? Oui, je le veux.

    À plus tard,
    Je t’aime,

    f.