Visions d’A’dam (.txt)

De Zee, Jan Toorop (1887), Rijks Museum

Je regarde les vagues
d’un canal qui garde
la mémoire des passants
Van Gogh vivant mouvant
Rembrandt les pieds dans l’eau
tuiles aux reflets tremblant

Tu regardes la télé
Je prends ma douche
me brosse les dents
et tu te couches
habillé ton talent
tu regardes le cyclisme
je fais du vélo du cynisme
qu’il pleuve, qu’il vente
et je mouille en te regardant
tu théorises le monde
je suis poète j’ai des amants
je joue au jeu des sept différences
tableaux comparaison d’enfant
et toi indifférent
je cherche à mes dépens
sur mon corps de nuit
cellulité grossi
les affres de la vie
mon corps adolescent
tranquillement s’enfuit
s’en fout se moque du temps
à grands coups de pédales
le long du vieux canal
pas de musée pour lui
ni même de mausolée ici
les bicyclettes donnent le tournis
mes cheveux d’or gris
n’ont plus très bien dormi
depuis quelques années
et me vois-tu ainsi

Tu vois le changement
Je cherche le comme avant
j’immole le présent
sur l’autel du porno
dans le Red District je drague
ce qu’il reste de désirable
l’objet-peine perdue
qui t’aguiche dans l’appartement
rien à sauver chez moi
et nous ?
où flânent les immortels
péchés tombés tout nus
saoulés de cannabis
roulé à l’avant d’un canot
ici nos sous-vêtements
sont plus sexy que nous
je fais le paon
tu fais la moue

Bonheur aime Imparfait
bonheur trop jeunet
trop tôt vieilli à notre goût
oxymore ironique
à l’arrière d’une péniche
le cul trop lourd endolori
assise dans une eau sale
ne crois-tu pas
qu’il est venu le temps
de draguer ce canal ?
les champignons magiques
ici sont garantis cent ans.

f.


4 réponses à « Visions d’A’dam (.txt) »

  1. Avatar de E et G.
    E et G.

    J’adore ! Magnifique, je suis complètement envoûté. Une méditation tout en contraste sur la vie, la Beauté, les relations, la distance physique et émotionnelle…. et le temps qui passe, illustrée par l’élément central du poème qu’est le canal, son flux calme, entre beauté et saleté, entre nostalgie et négligence… De plus, évoquer ces capteurs de lumière et d’essence de vie que sont Van Gogh et Van Rijn , ceux-là même qui ont réussi à figer la Beauté alors que le canal suit son cours… Une part d’éternité… Un autre grand amstellodamois manque à l’appel: Spinoza et ses affects primaires qui, pour sûr, se cachent en filigrane dans ce poème… Enfin, les relectures n’affectent en rien l’émotion ni ne l’amoindrit. Toujours aussi fort car on ressent les tréfonds de votre âme…

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    1. Avatar de Astarté

      Vous êtes bien plus clairvoyant que le poète lui-même qui écrit au fil de l’eau ses émotions. Merci d’avoir circulé sur ce canal avec moi. Je salue votre présence plus que tout.

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  2. Avatar de tiniak

    Une manière de balancer (sur les hanches ?) entre deux réalités… fort bien tournée, belle branche 😉

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    1. Avatar de Astarté

      tant que ça balance… l’équilibre, l’équilibre ! et c’est bon.

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