Cher F.,
T’écrire. Mais comment ? Avec quoi ? Non, ne me parle pas de ma plume, s’il te plaît. De mon cœur, peut-être, meurtris, orgueilleux, vaincu, dissolu, irrésolu, généreux ?
Avant je pouvais compter sur quelques maigres encouragements. Aujourd’hui : néant. Fatalité nostalgique. Avant tu buvais mes mots. Aujourd’hui, c’est comme si tu les mettais au rebus. Tu en reçois trop. Non, pas de moi bien sûr. J’ai arrêté l’inondation. Ce sont les autres. L’enfer ce sont les mots des autres, l’information croulante et croupissante dans ta boîte nauséabonde. Et pis ! Tu ne perçois pas la magie des mots, leur profondeur, tu y es insensible, comme j’ai l’air insensible à la mort. Est-ce laid d’être insensible à la mort ? et à l’amour ? Tu le vois bien quand même ! Cet amour, qui traîne, qui peine, et qui d’un coup bondit, surgit, hurle, dégouline et tue ! Tu le vois bien que je peux ressentir tout cela à la fois.
Alors j’essaye. J’essaye d’écrire, car je t’aime. Je t’aime… Fatalité sublime, fatalité sublime, itère le poète.
Au couchant
ligne de fuite
flèche en plein cœur
de l’horizon
Ondée tremblements
les jambes essoufflées
les poumons perforés
sur le lit gisant
je bous je brûle
les paupières qui palpitent
sois mon corps
caresse survole agite
et je lis sur
tes lèvres énigmatiques
étouffantes commissures
le secret
de cette fatalité
sublime
héroïque.
f.
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