Je ne suis pas artiste.
L’artiste, lui, est mu par l’intention : celle de créer, entre autres.
Moi ? Mon intention première, et la seule — puisque l’artiste en a plusieurs — est celle d’exister.
C’est seulement quand j’ai posé mon dernier mot, ou le point final que je sais que j’existe, que je suis allée au bout de l’intention. Avant cela, je n’en sais rien.
L’artiste sait ce qu’il crée, il sait ce qu’il produit, il sait ce qu’il expose, il sait ce qu’il veut vendre, il sait ce qu’il doit vendre. Il sait.
Moi ? Jamais je ne sais ce qui va s’écrire avant que cela n’ait été écrit. Cela veut bien dire qu’il n’y a pas d’intention autre que celle-ci : exister. À l’issue du mot, à l’issue du point, j’existe, pour vivre.
Le problème (s’il y en a un, mais il n’y en a pas), c’est qu’il faut à chaque fois recommencer pour le savoir, en avoir la certitude, même si elle est éphémère.
L’artiste, lui, le sait. En tout point. Il crée, car il existe déjà lui-même pour lui seul. Son art n’est qu’une extension de son existence avérée. Les artistes se suffisent à eux-mêmes, et d’ailleurs s’auto-identifient. Ils savent qu’ils sont artistes.
Moi, pas. Comme si l’écriture était la seule capable de me définir. Sans elle, pas d’existence propre. Sans elle, il n’est pas certain que je vive. Survivre, oui. Mais vivre ?
Tu vois, je ne suis pas artiste, comme je te l’ai dit. Mais tu n’en étais pas convaincu. Savais-tu que j’allais écrire cela ? Non. Moi non plus.
f.
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