Cher F.,
Je ne sais pas si cette lettre t’est destinée au final, mais je te l’adresse quand même pour compléter ma petite collection de lettres muettes, un petit peu abimées par le temps, le silence et l’absence, l’isolement et les petites fêlures ou les craquements que la vie sème. Il n’empêche que je t’aime, quand même.
Je regardai mon bras, tendu vers le plafond, je le trouvai fort gracieux et fort long, j’imaginais qu’il représentait à peu près tout le chemin qu’ensemble nous avions déjà fait, sans savoir pourtant si ce chemin était déjà long, ou non, et je me demandai, tout en continuant d’observer ce bras dressé à composer des ombres au plafond, si nous marchions sur ce chemin de chair, ou si nous courrions comme deux beaux et jeunes lapereaux, ou si nous nous étions arrêtés, et si oui, pour quoi faire, qu’est-ce que nous pouvions bien regarder ou penser sur ce chemin, savons-nous seulement où aller, et à quel instant je vais saisir ta main ou à quel instant tu saisirais la mienne, et c’est là que j’ai senti une tension irradier, une petite tension légère, et pas bien vilaine, qui semblait me faire signe de baisser ce bras qui allait finir par devenir blanc, ou bleu, à force de vouloir toucher ce que je n’atteins jamais, à force de me poser des questions qui s’en vont et qui reviennent à chaque fois, sans leur réponse, alors à quoi bon, et au bout de ce bras qu’il me fallait baisser tout de même, je retrouvai ma petite épaule qui me remerciait de la reposer enfin sur l’oreiller, ce à quoi je lui rétorquai que si je l’avais fait reposer, c’était pour que vienne s’y poser un baiser, mais la petite épaule demeura orpheline et muette dans sa chair, et reprit pour elle-même le cours de mes pensées.
f.
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