sous-titré : Aux confins d’un soir

Cher F.,

La lune tremble, aveuglée. J’ai fait le mur.
Je me suis perdue dans la ville pour te retrouver. J’ai remonté et descendu la grande avenue, attendu le train vainement sur le quai, veillé sur les tulipes plongeant dans leur sommeil sur fond de ciel saumoné, arpenté les rues maintes fois sillonnées à tes côtés, interrompu le silence des ruelles privatisées, courtisé un chat féral donc inhospitalier, … savais-tu qu’on doit l’invention de la chatière à Isaac Newton ? Celui-ci n’arrivait pas à se concentrer sur son travail de décomposition de la lumière à cause de son chat et de ses allées et venues incessantes – dehors dedans dehors dedans miaou miaou je veux sortir je veux rentrer – or il lui fallait l’obscurité la plus totale pour travailler à ces théories – voilà, cette petite porte dérobée fut salvatrice tant pour le maître que pour le félin indécis – je poursuis. J’ai inspecté les poubelles encore errantes car non ramassées, nargué ce réverbère, somme toute éblouissant, qui ne pouvait rivaliser avec l’étoile du Berger, que j’ai suivie assidument, comme si…, comme si elle me conduirait jusqu’à toi, comme si tu étais le Messie, je n’y crois pas, écouté les auvents des devantures claquer comme des mâts battant dans le port de Honfleur, Saint-Brieuc, Dahouët, Lorient, Plougastel, Riantec,… La Bretagne me manque comme tu le sais. J’ai soufflé sur le dernier pissenlit trouvé vivant, grimpé toutes les pentes avec grande frénésie, lâché un cri sourd égosillé m’esquintant le gosier, retombé sur mes pas, bu le sel des larmes coulées ne t’ayant pas trouvé, miaulé. Je me suis endormie sans que quiconque alors ne puisse entendre et comprendre mon désarroi, étouffé, confiné.

Cela fait déjà un mois et demi. Demain je ressortirai.

f.

texte, photos : laplumefragile