09h00.
L’envie me vient naturellement, au réveil, confirmée après le petit-déjeuner. Comme un besoin. Le corps et l’esprit me parlent et de conserve me portent.
Tourmentée par des pensées encombrantes, matérialisées par ces derniers cartons dont je n’arrive pas à me débarrasser depuis l’emménagement, la seule issue pour les dissiper s’impose : la course à pied.
Après plus de six mois sans avoir été courir, je craignais la reprise, la douleur, la souffrance. Il n’en fut rien. Tout était naturel, rien n’était forcé : l’élan, le besoin, le geste, les pas, le déroulé.
Je savais pourquoi j’étais là, occupée à faire les mille pas. Je savais aussi que je faisais une entorse à mon programme – chargé – mais si je voulais me délester de mes pensées sombres et de mes douleurs dorsales, la course était mon remède du jour.
Tout va bien. Pas une douleur, pas un point de côté. Le souffle est bon. Il n’est pas cassé. La cadence me convient. La remise en forme s’avère plus facile que que je ne l’aurai pensé. Faire du vélo tous les jours depuis ces derniers mois m’a en fait aidée à garder le cap et à me maintenir dans une bonne condition physique. Je dirais même que cet exercice est complémentaire et m’a permis d’être plus endurante encore. Aucun signe de souffrance ou de fatigue du muscle à l’horizon. Tout va bien.
Les nuages émotionnels se dissipent. Mon ciel se dégage. Je prends plaisir à ne penser à rien. Penser à rien n’est pas ne pas penser – cela m’est impossible – c’est moins exigeant. Je regarde sans le vouloir les petites taches colorées qui changent au fil des tours autour de l’Observatoire. À chaque nouveau tour, il y a un nouveau coureur dans la piste. Bleu, rouge, jaune fluo, maintenant gris. J’ai la vague impression que je suis la seule à courir à contre-sens – encore faudrait-il qu’il y ait un sens à ce rond point géant pour affirmer cela.
Je croise toutes sortes de sportifs. Ceux qui sont dans leur vitesse de croisière et pour qui courir est aussi spontané et facile que de marcher. D’autres qui sont en souffrance, qui luttent, souffrent, expulsent, implosent mais persévèrent dans leur course, bien qu’ils soient à saturation dû au manque d’oxygénation de leurs muscles.
Il faudrait que je conserve, ou plutôt que j’instaure une régularité, maintenant que je suis installée dans ce quartier. Le sang est oxygéné à présent. Les idées claires peuvent me revenir. Sans oxygène, il m’était difficile de poursuivre mon entreprise. Je sens que mon dos est soulagé et qu’il me remercie. Mon corps est libéré.
La journée peut commencer.
f.