15h00.
Temps beau. Très doux pour la saison. Sortie couverte quand même. La grippe guette. La maladie veille. J’essaye de la combattre depuis une semaine. Pour le moment, c’est moi qui gagne.
Les deux premiers kilomètres sont tranquilles. Mais très vite, trop vite, je sens soudain une gêne, une gêne forte au niveau du genou. Très vite, la douleur se fait vive et elle ne me quittera plus. Je déclarerai forfait après trois tours seulement. C’est embêtant. Cette promenade était pour moi. Je voulais en apprécier tous les écrins de lumière entre les feuillages. Je voulais sentir cette chaleur qui n’avait plus été accueillie par mon corps, mes cellules, depuis des jours.
Encore un tour. Le genou flanche. Et je n’ai plus de souffle. Aujourd’hui, courir va devenir souffrance si je continue. Comme la dernière fois. Il faisait glacial. Je n’avais fait que m’arrêter tous les cents mètres et marcher. Aujourd’hui, c’est pratiquement pareil. Sauf qu’il fait bon, très bon même. Pourquoi ces jambes sont-elles si lourdes ? Si seulement j’arrivais à faire des foulées plus longues… Tenir la distance ne sera envisageable qu’à force de pauses.
Arrêt sur images. Le monde. Trop de monde. Trop de monde pour respirer le même air. Ces gens me privent d’air. Ils empêchent mes petits muscles fragilisés, fatigués de combattre la maladie, de s’oxygéner correctement. Les chiens. Tous ces chiens. Les enfants. Tous ces enfants. Ils m’empêchent tous de respirer. De courir droit. Le terrain est suffisamment accidenté comme ça. Ce n’est pas un jour pour profiter d’une belle course ensoleillée.
Et ce genou gauche qui me fait souffrir. J’en perds la raison. En descente, c’est l’enfer. Sur la distance, la gêne trop rapidement devenue douleur ne me quitte plus.
Des ballons qui manquent de me faire des croche-pieds, des frisbees qui n’arrêtent pas de voler, de valser, d’aller se planter dans le décor, des ballons, des frisbees, des balles de me déconcentrer.
Je supprime la descente de la mort (descente du bonheur d’habitude) de mon parcours pour le quatrième tour. RACCOURCI.
Le sportif heureux est humble et fier en même temps. Il sait reconnaître ses faiblesses. Sa modestie physique ne le prive pas de ces plaisirs physiques. Lever le pied. S’arrêter. Marcher vite. Des grands pas empressés pour s’étirer. J’aperçois une orée de lumière. L’endroit est parfait pour méditer. Étirements; position de l’archer. Je me sens forte. Malgré l’effort coûteux, je me sens victorieuse. Ce yoga improvisé dans la foulée me recentre et me console. Dos courbé; se laisser aller; s’abandonner; ne pas résister. JE M’ABANDONNE.
Relâchement. Le cœur ralentit sa course. Je me sens forte. Je me le répète. Convaincue. Je me sens bien.
Vivement la prochaine fois.
f.