Samira et Apollon

Voici le mois de mai
Aglaglagla Aglaglaé
Voici le mois de mai…
Samira, belle Pisane, s’en allait promener dans la lambrusque matinale
À la recherche de son secret : la cueillette printanière des fleurs d’astragale
La belle était vêtue pour l’occasion de frusques dominicales
Curieusement en cette saison Samira cancanait autant qu’elle grelotait
Pieds et mains tout bleutés à s’y méprendre comme les bleuets
« Tous les maringouins, toutes les maringouines, vont voler, vont piquer comme des frelons…« 
Une ombre interrompit la demoiselle
Qui cessa net sa chanson
Quel est donc cet énergumène
Qui vient roder ici sans permission ?
Comme elle est belle, pensa l’éphèbe
«Qui êtes-vous», s’offusqua Samira
Je m’appelle Apollon
Les dieux disent que je suis le fils caché d’Apollinaire
Quelle prétention, songea la Dame
Qui continuait de chantonner tout bas sa petite chanson
« Tous les maringouins, toutes les maringouines, vont voler, vont piquer comme des frelons…« 
«Vous n’auriez pas vu ma sœur ?», demanda-t-elle au bellâtre
Tant qu’à faire
«Votre sœur ?», s’étonna Apollon
Oui, elle me ressemble à s’y méprendre faites attention
«Comment s’appelle-t-elle ?»
«Samira.»
«Et vous-même ?»
«Nous portons le même nom.»
Ah Samira, Samira…
D’un ton léger fredonna l’amoureux
«Nous pouvons l’appeler ensemble si vous voulez»
«Assurément, elle répondra»
«Samira, Samira !» «Samira, Samira !»
Crièrent en chœur les deux jeunes gens
Quand Samira se retourna avec étonnement
«Pourquoi m’appelez-vous ?!
Je suis là, juste à côté de vous.
C’est inutile de vous époumoner comme ça.»
Apollon tout surpris passait donc pour un fou.
«Mais enfin, nous cherchons votre sœur
Au même prénom et sans nul doute
À la même beauté que vous !»
Oh Samira, Samira,…
Chantait tout confus l’Apollon
Lui qui croyait bien faire
Aimait dire mille louanges
Conter mille chansons
Le voilà face à une drôle de Belle
Samira, prise à son tour de confusion
Finit par retrouver le fil de sa chanson
« Tous les maringouins, toutes les maringouines, vont voler, vont piquer comme des frelons…« 
«Pourquoi chantez-vous cela ?»
«C’est pour ne pas me perdre.»
«Ne pas vous perdre ?»
«Oui. Je crois que je suis schizophrène»
Apollon peu rassuré du phénomène
«Que dites-vous ?»
«Je sais que je vous fais courir après ma sœur
Alors que vous courrez après moi seule
Seulement j’oublie que je le suis
Cette chanson me rappelle
Du vil poison qui m’envenime
C’est un remède à la schizophrénie
Petite, je fus piquée par ce vilain moustique
À la piqure qu’on dit mortelle
Enfant j’ai survécu mais la maladie s’est quand même répandue
L’élixir d’astragale est censé me guérir
L’hydrolat que je récupère est donc pour moi sacré
Mélangé à ces baies que je viens couramment cueillir
Voulez-vous bien m’aider à toutes les ramasser ?»
Apollon déjà fou d’amour et fou d’elles
Épris, il ne put qu’accepter
Comment reculer devant pareille mission?
Pour égayer ces belles,
Le galant homme s’appropria les beaux vers du poète
Un jour, Samira, mes vers
monteront à tes lèvres
Que jusqu’au bout la vie
Et l’amour c’est pareil
Qu’il y a des amours
Nouées comme une treille
Tant que la veine est bleue
Il y coule du vin.
«À chaque fois que vous vous perdrez
Je vous réciterai ces vers, mon aimée»
Émue et enivrée Samira entonna à tue-tête
« Le temps est bon, le ciel est bleu j’ai deux amis qui sont aussi mes amoureux
Le temps est bon, le ciel est bleu nous n’avons rien à faire rien que d’être heureux
Mon cœur est grand, grand, grand, grand comme le vent
Et je suis douce, comme l’eau
Et je suis tendre, tendre, tendre, tendre pour mes amants
Je suis la fleur dans leur cerveau* »

Contrairement à ce que peut écrire Aragon,
Tout peut bien finir en chansons.

f.

*Le Temps est bon, Isabelle Pierre

Ce petit conte vous est proposé dans le cadre de ma participation à l’Agenda ironique du mois de mai, co-organisé avec Laurence Délis. Il fallait, pour s’amuser les méninges et aguicher la curiosité, écrire sur le thème proposé et faire bon usage de quatre mots imposés articulés en poésie, dessinée, écrite ou chantée : énergumène, schizophrène, lambrusque, maringouin. Je pense que le pari est relevé; en tout cas je me suis bien amusée.

27 réflexions sur « Samira et Apollon »

      1. Oh, en soulevant les cailloux doucement, je serais étonné qu’on n’y trouve pas des idées dessous. Pour la la lecture bientôt, j’y compte bien ; mais il faudra d’abord que j’écrive… et donc que j’ai une idée ; d’où le coup d’oeil sous les cailloux
        🙂

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    1. oh, merci Mathis d’avoir pris le temps de me lire et d’apporter ton petit commentaire d’encouragement 🙂
      « savamment, savamment », on fait ce que l’on peut. J’ai néanmoins remplacé mes bourdons par les frelons, car les bourdons ne piquent pas véritablement, sauf s’ils se sentent attaqués. J’espère que ce choix de faire ce changement sera intelligent. 😉

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