Ô TEMPORA… RESTE !

Dans un espace introuvable, je t’ai trouvé ! Reste avec moi… un peu, rien qu’un peu. S’il te plaît.

J’ai le temps. Ce temps n’est plus aux autres. Il n’est même plus à moi. Car ce temps m’accapare. J’ai du temps. Tant qu’il sera une denrée rare, je n’en donnerai plus aux autres. Le temps est possessif autant qu’il est capricieux. On doit lui remonter les aiguilles de temps à autre. On possède le temps, sans certitude néanmoins. Aujourd’hui c’est lui qui me possède. Le temps est une diva, qui fait la pluie et le beau temps sur ma planète. La starlette décrète que je serai à elle. Le temps sera à présent féminin. Temporis est feminina. Et pourquoi pas ? Je me répète comme pour en avoir le cœur net que le temps est à moi, ou que le temps, c’est moi. Ce ne sont pas des sornettes. Quoi qu’il en soit, dans toutes ses déclinaisons, je m’y accrocherai comme il se suspend. En fonction de la météo, l’être que je suis se montrera précieux ou généreux, exécrable ou radieux, usé ou résistant, souple comme une montre molle ou réglé comme une horloge, au gré du temps qui s’écoule, joue, passe, s’en va, et se plaît d’exister pour moi. On dit qu’il fait son œuvre. Je suis l’œuvre du temps.

Le temps est avec moi. Ce temps n’est à personne. Aujourd’hui j’en profite. Hier j’hésite. Demain est arrivé si vite. Je peux le conjuguer ou le garder simplement dans ma tête, sans le laisser filer, ne rien en faire, seulement l’apprécier. Le traverser. Ou bien le jeter par la fenêtre : tuer le temps ! (non, quel gâchis, par pitié !) Il s’échappera toutefois. Je le sais. Aussi je le garde jalousement. N’en déplaise aux pressés, aux grammairiens, aux impatients, aux somnambules, aux insomniaques, aux couche-tôt, aux lève-tard. À tous ceux qui l’oublient. À tous ceux qui sont en retard. À tous ceux qui comptent sur leur horloge interne, qui dorment et qui dinent en même temps. À tous ceux qui se décident au pied levé. À tous ceux qui ne savent plus sur quel pied danser quand vient l’équinoxe d’automne et le solstice d’été. À tous ceux qui courront toujours après ou derrière lui ou à ceux qui feront mine de l’ignorer. À tous ceux qui en ont peur : j’ai le temps. Je l’ai pris. Il s’est laissé prendre. Il s’est emparé de moi. Je l’ai saisi, conquis. Je ne vous le rendrai pas… pas maintenant. Laissez-nous encore un instant. Vous savez bien que de temps à autre, il faut savoir prendre le temps. Si vous ne le faites pas, au temps pour vous ! Tant mieux pour moi.

Un rendez-vous avec le temps est un rendez-vous sans rendez-vous ou sans lendemain. Car tout est relatif et ne dure qu’un temps. On ne sait jamais de quoi demain sera fait, si ce n’est que l’heure c’est l’heure, qu’après l’heure c’est plus l’heure. Oui, le temps se dérobe trop souvent. Il fuit. C’est un leurre. Le temps est infidèle mais fidèle à lui-même pourtant. On dit qu’il est intemporel. La relation de l’être au temps est à sens unique : vous en manquez, mais vous ne lui manquez pas. Ceci étant, il reviendra, il se rappellera à vous. Nous sommes chanceux de nous quitter en sachant que l’on se retrouvera. On ne se manquera jamais vraiment. Pour ne pas le perdre, exercez-vous à la pêche à la ligne, vous pourrez le remonter facilement. Retracer le temps c’est amusant. Attention cependant : le temps est malin, c’est un génie-titan de l’illusion qui peut jouer des tours à la mémoire. Vous tomberez dans le trou, mais ne vous inquiétez pas, c’est lui qui vous rattrapera. Mais quand ?

En attendant, je vous dis à jamais, adieu, ou à vous, pour toujours.

Le temps en décidera.

f.

13 réflexions sur « Ô TEMPORA… RESTE ! »

  1. Le temps de lire ton texte, le temps d’être pris par le récit et cet instant de lecture devient un moment hors du temps. Tu dois avoir raison quand tu écris que : « Un rendez-vous avec le temps est un rendez-vous sans rendez-vous ou sans lendemain ». Il est bon parfois de se retrouver hors du temps. Nous passons finalement trop vite dans la vie.
    Excellente soiré et merci.

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