croquis nu couché de Egon Schiele, 1918

Silencieuse

Silencieuse, j’ai déposé les coussins je me trouvai dénudée comme un fil sans fin esseulée je me suis à moitié allongée j’ai saisi mon sein entrouvert mes jambes et bougé le bras. Silencieuse, j’ai alors chuchoté tout bas comme dans notre dernier entretien…

Licencieuse, j’ai posé mes mains dans le bas rein j’ai jalonné ce corps à demi éteint pour le rallumer je me suis enveloppée j’ai remué le ventre et je l’ai étreint j’en ai suivi les courbes de chaleur ces lignes caressées mues par la vigueur oscillante entre mes hanches pleines d’entrain j’ai senti cette porte, ce mystérieux sous-terrain qu’on appelle vagin s’ouvrir comme une fleur ne demandant qu’à éclore il demandait après toi il t’appelait en vain dans cette érotique épopée j’ai repensé à tes doigts… agiles et fins… à ta bouche délicate… à ta langue mouillée… à mes joues écarlates… Licencieuse, dans cette épopée embrumée je cherchais à m’enivrer du parfum humide de ta verge subsumée… Je pouvais sentir qu’elle était à ma portée… que je pouvais la saisir, m’y attacher, me pencher sur elle et la lécher… relever la tête pour te regarder, me promener sur ton torse, m’abaisser, continuer, soupirer un avide… prends-moi !…

Silencieuse, j’ai puisé jusqu’au fond de ma pensée je suis descendue vers ce puits abandonné à l’écoute de ta voix licencieuse, je murmurais mon émoi je recherchais ton baiser… je cherchais… Où l’avais-tu déposé la dernière fois ?

Oh oui… là !

Silencieuse, je me retrouvais flottant comme une onde sur l’étendue inondée sentant l’eau d’une source chaude couler je me pénétrais la vasque abondait et je t’invitais à plonger à venir tremper chaque extrémité dans ce bénitier j’ondulais je vibrais je me drapais dans cette volupté je m’en pourléchais je songeais… Silencieuse, bienheureuse, troublée – j’ai encore frôlé la mort, je crois.

Licencieuse, dans un calme délirant je me surprends une fois de plus à penser à toi… égarée dans les confins d’un silence mutin.

f.

12 réflexions sur « Silencieuse »

  1. Il est toujours étrange à mes yeux que l’expression littéraire de la sexualité soit si bannie, cachée, censurée parfois alors qu’elle porte tellement de lumières, de délicieuses envolées, de ruissellements jouisseurs, tellement de beauté et d’hommage à cette vie excitée qui a bien dû survenir un jour pour que nous soyons là. Alors, merci pour ce voyage extatique et la puissance des images, des parfums, des touchers, des étreintes. .

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    1. Mon cher Thierry, tu tombes si bien. À tes propos, je serais bien tentée d’évoquer la sempiternelle religion (pas toutes, mais d’une manière générale) qui condamne depuis tout temps la / l’art de la masturbation, ce vil péché. Ce qui peut expliquer que ce geste soit « banni, caché, censuré » tant dans la pratique érotique que littéraire. Après, j’ai plutôt envie de me tourner vers George Bataille qui te rejoint absolument sur le fait que cette jouissance, c’est finalement ça, la vie. Que nous en sommes tous issus (à des degrés d’extase divers à mon avis). D’ailleurs, G. Bataille s’interroge sur l’appellation de cette « petite mort » en contradiction avec l’acte de reproduction dont l’objet est de s’opposer à la mort, justement. Enfin, je crois comprendre d’après son étude dans Les larmes d’Éros que si l’acte de jouir est encore mystérieux, indicible, inexprimable malgré les mots (rappelons-nous de M. Duras qui n’arrivait pas à exprimer ce qu’elle voulait avec tous les mots du monde parfois), c’est sans doute parce que ce phénomène nous amène à vivre une violence ultime, flagrante mais surprenante, tellement surprenante qu’elle « nous déborde ». Conscients, nous tentons alors de l’aborder, ce débordement, mais en vain. Notre activité sexuelle comme la mort demeurent obscures alors même que nous les éprouvons et que nous en sommes les acteurs-témoins. Peut-être est-ce pour cette raison qu’un obscurantisme certain nous prive de ce genre de plaisir…
      Laisse-moi t’offrir ces quelques lignes ; G. Bataille s’exprime sans doute mieux que moi à ce sujet qu’il me tarde d’approfondir :
      « À la vérité, le sentiment de gêne à l’égard de notre activité sexuelle rappelle, en un sens du moins, le sentiment de gêne à l’égard de la mort et des morts. La « violence » nous déborde étrangement dans chaque cas : chaque fois, ce qui se passe est étranger à l’ordre des choses reçu, auquel s’oppose chaque fois cette violence. Il y a une indécence dans la mort, différente sans doute de ce que l’activité sexuelle a d’incongru. […] Sans doute, il est difficile d’apercevoir, clairement et distinctement, l’unité de la mort, ou de la conscience de la mort, et de l’érotisme. En son principe, le désir exaspéré ne peut être opposé à la vie, qui en est le résultat. Le moment érotique est même le sommet de cette vie, dont la plus grande force, et l’intensité la plus grande, se révèlent au moment où deux êtres s’attirent, s’accouplent et se perpétuent. Il s’agit de la vie, il s’agit de la reproduire, mais se reproduisant, la vie déborde : elle atteint débordant le délire extrême. Ces corps mêlés, qui, se tordant, se pâmant, s’abîmant dans des excès de volupté, vont à l’opposé de la mort, qui les vouera, plus tard, au silence de la corruption. En effet, selon l’apparence, à tous les yeux, l’érotisme est lié à la naissance, à la reproduction qui sans fin répare les ravages de la mort. […] parlant dans les limites utilitaires de la raison, nous percevons le sens pratique et la nécessité du désordre sexuel. Mais de leur côté, ceux qui donnent le nom de « petite mort » à sa phase terminale auraient-ils tort d’en avoir aperçu le sens funèbre ? » (G. BATAILLE, Les larmes d’Éros)

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  2. Chère Plume, merci pour cette belle suite 🙂
    « Notre activité sexuelle comme la mort demeurent obscures alors même que nous les éprouvons et que nous en sommes les acteurs-témoins. »
    C’est justement ce que le Tantrisme chercher à dépasser. L’obscurité. Que ça soit dans l’étreinte sexuelle comme dans la mort. La pleine conscience en est le chemin.
    Si je reprends les propos de Bataille, notre absence d’acceptation consciente de la mort nous vouerait à une sexualité obscure. Et donc à une « petite mort » répétée aussi souvent que possible.
    Je n’aime pas cette idée de « petite mort ». Elle me semble totalement contradictoire dans le cas de l’extase orgasmique. J’avais écrit quelque chose là-dessus il y a quelques temps. On en a déjà parlé ailleurs. 🙂
    La simple idée de deux individus nourrissant conjointement, volontairement et le plus consciemment possible la montée vers l’orgasme est incompatible avec l’idée de mort. On nourrit l’orgasme, on ne nourrit pas la mort. Quant aux similitudes des effets entre les deux, j’aimerais savoir qui a bien pu goûter à la mort pour ensuite venir expliquer à la foule béate que ça ressemble à l’orgasme 🙂 🙂 🙂
    Lorsque je reviens d’une virée en vélo de plus de cent bornes dans les cols alpins et que je vais m’allonger sur mon lit, je suis aussi dans un état post orgasmique…Je flotte…Je ne peux aucunement affirmer que ça s’approche de la mort. En tout cas, ça ne s’approche aucunement de cette souffrance qui finit par vous faire souhaiter la mort, ça je peux l’affirmer…

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    1. Oui, c’est ce que tu exprimais dans ton article La petite mort sur lequel j’étais tombé à l’époque… Une belle rencontre a suivi juste après 🙂
      « Quant aux similitudes des effets entre les deux, j’aimerais savoir qui a bien pu goûter à la mort pour ensuite venir expliquer à la foule béate que ça ressemble à l’orgasme », ah ah, entièrement d’accord, ça n’aurait ni queue ni tête (sauf pour les adeptes du 69). Si la mort a le goût de l’orgasme, je veux bien mourir cent fois.
      Mais je suppose que les défenseurs d’une « petite mort » qualifiant cet état veulent désigner l’état inconscient qui en découle (ce flottement que tu éprouves et que j’éprouve également après avoir couru 20 bornes) jusqu’à évanouissement ou léthargie plus ou moins accentuée.

      Est-ce que Maud va découvrir le / s’initier au tantrisme dans Kundalini ? Je n’en suis qu’au début. Elle commence par se ressourcer dans les rochers, c’est déjà pas mal pour commencer.

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      1.  » l’état inconscient qui en découle »
        Personnellement, je l’assimile à une forme de méditation et la mort ne doit pas être très portée sur la méditation 🙂 🙂 Enfin, je n’en sais rien, je n’ai pas testé ou si c’est le cas, je ne m’en souviens pas de façon consciente. 🙂
        Je ne vais pas te révéler la suite de Kundalini, pas question ! 🙂 🙂 🙂

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  3. J’en ai les mains moites mais je n’ai rien contre le coït à développement unilatéral et d’ailleurs j’en ferai un article prochainement où le grand singe refuse les avances de Linda préférant la solitude sexuelle à la compagnie des belles moches et des moches belles, explications bientôt ! Quand à l’amour je préfère le vivre dans un lit que dans un cahier de poésie même si c’est bien rimé et rythmé. D’ailleurs mon article de ce matin est un rien prophétique contrairement mes délires anti-autobiographiques. Cher ange à la plume fragile voilà de quoi lire au retour du devoir qui j’espère se sera tu. Tu.

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    1. Merci pour les compliments en filigranes. Non le devoir, comme l’amour ne s’arrête jamais. Sauf en cas de paresse, mais ceci, c’est pour un autre billet. J’ai adoré ton message personnel, bien plus ardent et prometteur, car engageant, que celui de F. Hardy 😉

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