Avis de tempête

Cher F.,

Egon Schiele, Zwei sich umarmende Frauen
E. Schiele, Zwei sich umarmende Frauen

J’en reviens à mes premières amours, mes lettres. Les seules qui parviennent à me canaliser. Hier, impossible d’écrire, mais aujourd’hui le temps s’y prête. La tempête est proche. Il a plu toute la matinée et la pluie n’a toujours pas cessé. Le vent s’est levé et les arbres commencent à tanguer. Les feuilles dorées annoncent l’automne. J’adore les voir virevolter. Malgré ce temps poisseux, humide, au froid pénétrant jusqu’aux os parfois, je crois que l’automne est l’une de mes saisons préférées. Avis purement subjectif. On rentre progressivement dans notre mois. L’automne est à nous. Je devrais peut-être changer mon avatar. Mais je vais encore attendre un peu. L’été indien nous surprend toujours. Le redoux n’est jamais loin.
Ce temps m’empêche d’aller courir, mais c’est pour un mieux ou un bien, il m’autorise à écrire. Je me sens mieux. Ce matin et même hier, j’étais lasse. L’Ennui et le Désir se chamaillaient comme des gamins. Il m’était difficile de les départager. Mais tu m’as calmée. Bien malgré moi. J’étais encore en parfait décalage avec mon message. Je venais de saisir un nouveau bouquin, La Vie sexuelle des écrivains et dès la première page, Duras m’a entraînée, arrachée, extraite de là où j’étais, grâce à cette toute première citation reprise par Iman Bassalah, en guise de prélude, mémorable :

Ce n’est pas le sexe – ce que les gens sont dans une espèce de décoloration sensuelle – qui m’intéresse. C’est ce qui se trouve à l’origine de l’érotisme, le désir. Ce qu’on ne peut, peut-être qu’on ne doit pas, apaiser avec le sexe. Le désir est une activité latente et en cela il ressemble à l’écriture : on désire comme on écrit, toujours. »

Tu comprendras qu’il m’était impossible de passer sous silence l’émoi qui s’est emparé de moi en lisant ces lignes. Elles étaient pour moi, pour Les Lignes du souvenir, pour nous.
Alors, pardonne-moi d’être une fois encore tombée comme un cheveu sur la soupe en t’écrivant hier soir. Pourtant j’ai été brève. J’avais envie d’écrire mais les circonstances m’en privaient.
Je désire écrire comme je te désire. Ce désir est le même. Irrépressible, impétueux, urgent. Impossible à contenir. À réfréner pourtant, de temps en temps. J’espérais par ce bref message (éloquent cependant) un échange sensible, charnel, attentif, affectueux ou même carrément érotique. Cela m’aurait plu. Oh, oui ! J’aurais aimé que tu m’excites et que tu alimentes ce feu qui se consumait dans mon corps tout entier. Tu m’as seulement informée que tes enfants étaient malades. « GERBE PARTOUT ». Quelle poésie ! Ah oui, ça m’a calmée, c’était « parfait ». Ce n’était pas ce que j’attendais mais, la tempête s’est vite retirée. J’ai senti que ce désir s’était estompé très vite, comme on passe un chiffon sur de la craie. J’ai alors rouvert mon livre et j’ai relu l’incipit qui reprenait les mots de Marguerite. Tristesse et Colère se faisaient face. Je ne voulais pas que le désir cesse. Mais si tu t’en tiens au sexe, c’est le naufrage assuré. Or, je veux m’aventurer dans cette tempête. Qu’elle gronde, qu’elle siffle, qu’elle hurle. Qu’on lui tienne tête ! Qu’elle me caresse de sa violence ruisselante, voluptueuse, libidineuse. Qu’elle m’emporte sur une autre rive. Je reviendrai le temps d’une accalmie. Ne sois pas cette accalmie. Sois ma tempête.

Désire-moi, lis-moi, écris-moi !
En attendant vendredi,

À toi,

f.

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